Matjes ? A vos souhait !

Publié le par chef Casa


A Amsterdam, il est impossible d'échapper à certains clichés touristiques : canaux romantiques, flottilles de bicyclettes, amateurs d'édam, dames à l’étalage, et effluves de cannabis mais il plane surtout sur cette ville une odeur de port, de délices maritimes qui oblige l’amphitryon globe-trotter à réviser son catalogue d'idées reçues sur les plats roboratifs d’une cuisine batave qui tient au corps. Dans la Venise du nord, il y a bien sûr tout cela mais en cherchant d’autres fumets plus appétissants il y a un autre plaisir gourmand à découvrir sur les traces de Baudelaire, Voltaire ou Montesquieu celui des Matjes à prononcer matiès.


Son nom provient de la déformation du mot maagdenharing qui signifie littéralement hareng vierge vu qu’au moment de sa pêche, la femelle, de cette ethnie de chordés non tétrapodes, n'a pas encore eu le temps de se défaire de ses œufs. A la mi-mai ceux-ci commencent à remplir les filets des chalands qui passent et ce, jusqu’à fin juin, où ils vont plonger à la fraîche jusqu’à l’automne et ainsi de suite.

Ces harengs nouveaux, garnis de cornichons et de petits oignons hachés vinaigrés, croqués à la sauvette et parfois en une seule bouchée, dans les rues amstellodamoises, sont une véritable invitation au voyage du goût et n’ont rien à voir avec notre triste hareng à l’huile, aux arêtes belliqueuses, qui se trouvent empaquetés dans nos gondole de supermarchés. Car ces jeunes harengs, qui se pêchent deux fois l’an, à la fin de l'automne quand ils sont du grand nord et au printemps pour les autres sont désarrêtés, gras à souhait et possèdent une saveur extrêmement délicate.

Les premiers sont généralement conditionnés sous forme de filets séparés, nagent jusqu’au rayon saurisserie de nos épiceries les plus chics et sont un peu dispendieux. Les printaniers, plus abordables, sont habituellement présentés attachés par la queue et dés la première bouchée on comprend tout de suite pourquoi les délicieux filets de ce poisson là sont dignement fêtés, chaque année, quand ils débarquent dans les assiettes de nos amis nordiques. C’est ainsi qu’en hollande, l’autre pays du hareng, la tradition veut que le capitaine du bateau, qui ramène à terre les premiers Matjes en offre, personnellement, une caisse à la reine. Ce premier lot est alors mis aux enchères et les bénéfices de la vente sont versés à une œuvre caritative

 

Hareng nouveau, qui est tu ?  

Le Matjes, dont la saveur est incomparable est, on l’a compris, un rejeton de la famille des harengs. Comme le reste des siens, il vit en bande et cabotine en bord de côte, en eau peu profonde la nuit et plus profonde le jour, en suivant une route bien précise qui est fonction de la température de l’eau, de la nourriture qu’il va y trouver et des courants marins. L’hiver, quand la bise fut venue, il se dépense beaucoup, fait carême jusqu’à pâques, et brûle ses réserves de graisse. Mais quand le printemps revient la température de l’eau augmente, les journées s’allongent, le plancton, son péché mignon, se trouve à profusion et notre Clupea harengus nouveau se régale et, prend des calories. En six à huit semaines il augmente sa masse graisseuse de 20%, c’est elle qui va lui donner l’excellence de son goût. Mais pour porter le joli nom de hareng nouveau, celle-ci doit être comprise entre 16% et 26%, les limites légales, tant pour la législation que pour le goût.

Une fois happés par les harenguiers, les Matjes sont vidés, exception faite du pancréas générateur d’enzymes qui veillent à la bonne maturation du poisson et à sa saveur. Puis ils sont nettoyés, salés et encaqués dans de grandes barriques de bois où leur mûrissement dans la saumure assurera la saveur typique et douce de leur chair. Rendons à César ce qui est à Willem Beukelszoon de Biervliet à qui nous devons cette méthode originale de conservation mise au point en 1380. De nos jours la consommation de  toute espèce de hareng frais est en fait illégale car celui-ci présente le risque important de transmettre l’anisakis, un parasite des poissons et des mammifères marins. Pour éviter les risques on passe par une étape de surgélation à - 20°, pendant 24 heures.  

Comment goûter les Matjes ?

Pour mettre en valeur le plaisir de première fraîcheur de ce produit il suffit par exemple de préparer les Matjes avec une salade de pommes et de pommes de terre et d’accompagner ce plat d’un verre d’alcool de genièvre bien frappé ou d’un vieil aquavit Aalborg tout aussi frappé. Une redoutable boisson à base de pomme de terre et de cumin que l'on boit, si possible, "cul-sec" en l’accompagnant d'une belle blonde, sans faux col. Des breuvages à consommer avec modération, contrairement aux Matjes dont l’apparition dans les kiosques à hareng sont le signe que le printemps n’est pas loin et que le vrai amateur de harengs nouveaux, qui préfère les déguster au naturel et sans oignon, va bientôt se régaler.  

Publié dans Avant de mourir !

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